Pourquoi la vérification diligente est-elle essentielle dans le contexte de l’achat d’un immeuble commercial?
L’achat d’un immeuble commercial peut donner lieu à une multitude d’obligations imprévues. Afin de surmonter les enjeux potentiels, en sus de la vérification diligente que l’acheteur devrait effectuer avec l’aide notamment de ses conseillers juridiques, l’acheteur a également l’option de souscrire à une assurance-titre pour combler certaines lacunes de la vérification diligente et ainsi réduire ses risques. Malheureusement, l’assurance-titre n’est pas toujours suffisante pour faire face à certaines questions plus complexes qui se posent aujourd’hui, particulièrement en ce qui concerne les impôts fonciers et les taxes, dont lorsqu’ils sont différés.
Le 7 décembre 2022, la Cour d’appel de l’Alberta a rendu une décision intéressante concernant les polices d’assurance-titre et la question de savoir si elles couvrent les taxes d’améliorations locales qui deviennent payables dans les années qui suivent la conclusion d’une transaction, même si ces taxes ont été évaluées avant la date de conclusion de la transaction, sans toutefois avoir été déclarées. Ultimement, la Cour d’appel a conclu que les taxes d’améliorations locales imposées avant la clôture d’une transaction et devenant payables ultérieurement à la date de la police d’assurance-titre ne sont pas couvertes par celle-ci. Par conséquent, et comme on ne peut pas compter sur l’assurance-titre dans la situation susdécrite, il est primordial que l’acheteur effectue une vérification diligente suffisamment exhaustive et se renseigne notamment sur le sujet des taxes d’améliorations locales qui pourraient viser le bien immobilier convoité.
Analyse de cas
Dans l’affaire 1921645 Alberta ltée c. FCT Insurance Company Ltd et First American Title Insurance Company, 1921645 Alberta ltée a acheté une parcelle de terrain soumise à une taxe d’amélioration locale. Le coût total des améliorations a initialement été estimé à 3,7 millions de dollars en 2011, payable sur 15 ans, de 2013 à 2027. Cependant, en raison de l’augmentation des coûts, le coût des améliorations a finalement été porté à 5,1 millions de dollars, payable de 2016 à 2030. La transaction pour la vente des terrains – dont la parcelle de terrain susmentionnée faisait partie – a été conclue le 2 décembre 2015, après que la taxe ait été évaluée, mais avant qu’elle ne devienne payable et qu’elle ne soit disponible pour consultation dans le cadre d’une recherche standard à cet effet en matière de taxes. Le premier versement annuel de cette taxe d’améliorations locales était dû en juin 2016.
1921645 Alberta ltée a souscrit une police d’assurance-titre le 13 novembre 2015 (la « Police »), un peu plus de deux semaines avant la clôture de la transaction d’acquisition. La Police stipulait ce qui suit (notre traduction) :
Sous réserve des exclusions de la Couverture, [la police] assure, à compter de la date de la Police et, dans la mesure indiquée dans les Risques 9 et 10, après la date de la Police, contre les pertes ou les dommages, n’excédant pas le Montant de l’Assurance, subis ou encourus par l’Assuré en raison de :
- Le Titre de propriété a été dévolu autrement que comme indiqué dans l’Annexe A.
- Tout défaut du Titre de propriété, ou sûreté ou lien affectant celui-ci. Ce Risque couvert comprend, sans s’y limiter, l’assurance contre les pertes résultant de ce qui suit :
(b) Le lien affectant le Titre de propriété découlant des taxes foncières imposées par une autorité gouvernementale ou d’utilité publique, dues ou payables, mais impayées.
Les exclusions de la Couverture comprennent les défauts, les liens, les charges, les réclamations […] attachés ou créés ultérieurement à la Date de la Police. »
La Cour d’appel a noté, suivant son analyse, qu’il est implicite dans les termes de la police d’assurance-titre que tous les risques couverts sont soumis à la condition générale qu’ils doivent exister « à la date de la police », conformément au libellé de la police.
La disposition concernée ci-dessus vise, sans s’y limiter, la perte résultant du lien affectant le Titre de propriété, découlant des taxes foncières imposées par une autorité gouvernementale ou d’utilité publique, dues ou payables, mais impayées (« clause 2 (b) »). 1921645 Alberta ltée a fait valoir que la police devrait couvrir la taxe sur les améliorations locales due en juin 2016 puisqu’elle a été créée avant la date de la police. Cependant, la Cour d’appel a conclu, à la lecture de la clause 2 (b) et à la lumière de la police dans son ensemble, que la couverture offerte ne vise pas les défauts qui surviennent après la clôture.
La Cour d’appel poursuit en affirmant que les taxes qui deviennent exigibles ou payables après la clôture sont exclues, car cette obligation n’existait pas « à la date de la police ». Ainsi, la Cour d’appel conclut que la clause 2 (b) indique clairement que les impôts fonciers qui deviennent dus ou payables après la clôture de la transaction ne sont pas couverts, même s’ils ont été créés antérieurement à la clôture. En outre, la Cour d’appel a déclaré que les taxes visées par la police qui deviennent dues ou payables dans les années à venir ne peuvent pas être considérées comme un défaut ou un lien sur le titre puisqu’il est naturel que des taxes foncières deviennent dues ou payables dans les années à venir. En conclusion, la Cour d’appel a estimé que les taxes d’améliorations locales susmentionnées de 5,1 millions de dollars n’étaient pas couvertes par la police d’assurance-titre.
Conclusion
Il est crucial que les acheteurs fassent appel à des avocats expérimentés en matière de vérification diligente avant d’acheter une propriété, en particulier des immeubles commerciaux, car l’assurance-titre ne constitue pas une garantie « tout risque », dont notamment dans le contexte des divers reports sur un certain nombre de fronts au sein du gouvernement résultant des mesures d’allègement COVID-19.
Par l’avocate Lindsay Amantea
Recherche supplémentaire par Farhan Ahmed